Il faut de la mixité sociale ?… Fermons Fermat !

image-fermons-fermat-672-x-372Il faut de la mixité sociale ?…Fermons Fermat !

Nous savons désormais que loin de résorber les inégalités sociales l’école les reproduit. Bourdieu l’a dit, nous le voyons au quotidien : rôle primordial du capital culturel, mais aussi économique, sélection dès le plus jeune âge. Ce qui peut sembler nouveau, c’est que l’école ne se contenterait pas de reproduire les inégalités, elle les amplifierait. Les dernières enquêtes Pisa – que l’on ne peut soupçonner de gauchisme pédagogique – révèlent que l’école française est une des plus inégalitaires de l’OCDE. Le dernier rapport du CNESCO (Conseil National d’Evaluation du Système scolaire) du 27 septembre 2016 met ainsi en cause 30 ans de politique éducative ayant amplifié les inégalités. Le système scolaire y est présenté comme une « longue chaîne de processus inégalitaires ». Dans un moment de crise économique, ces inégalités s’accentuent. Afin d’apaiser les tensions sociales que cela génère, le Ministère de l’Education préconise une plus grande mixité sociale dans les établissements.

Une expérimentation nationale est donc programmée depuis 2015. Le conseil départemental du 31, secondé par les autorités académiques présente en cette rentrée son plan en faveur de la mixité sociale dans les collèges toulousains.

Une pétition à signer : Fermons Fermat !

Mixité sociale : cachez ces tensions que je ne saurais souffrir…

A Toulouse, des réunions publiques ont ainsi été organisées cet été dans le quartier du Mirail, et en cette rentrée 2016 dans les collèges de l’Education Prioritaire de la ville. Des réunions publiques se sont également tenues. Des représentants du conseil départemental du 31, experts pédagogiques auto-proclamés, y ont affirmé péremptoirement que « la mixité sociale, ça marche, c’est scientifiquement prouvé ». Sans préciser au bénéfice de qui.

Ce qui est proposé dans un premier temps, est la construction de « binômes » unissant un collège très défavorisé (Bellefontaine, Badiou, Stendhal, Sand et Rosa Parks) à un collège très favorisé (Fermat étant cité en exemple à chaque fois, alors que d’autres collèges sont potentiellement concernés : l’Union, Balma, Bellevue, Zola, JP Vernant, les Chalets, Michelet, Labitrie et Léonard de Vinci). Dès 2017, les parents des élèves de 6° auront le choix « dans la limite des places disponibles » de scolariser leur enfant dans l’un ou l’autre de ces collèges. Comment seront-ils-elles sélectionné-es ? Sur quels critères ? Quelle est la différence avec les dérogations déjà obtenues par une dizaine d’élèves chaque année  ? Quelle différence avec le dispositif « Espoir Banlieue » établie sous Sarkozy en 2008 qui prive le collège de la Reynerie d’élèves en réussite à l’école primaire, les affectant au collège de centre-ville Fermat ? Le rectorat, présent aux réunions et interpellé sur la question des dérogations, n’a pas souhaité s’exprimer ou se cache derrière les chiffres…

L’autre option envisagée est la fermeture du collège Raymond Badiou dans le quartier de la Reynerie au Mirail dans les 4 ans selon des élu-es du conseil départemental,, le temps qu’une cohorte de 6ème arrive en 3ème – et l’ouverture d’un établissement plus « mixte » dans l’Ouest toulousain. Vous le voyez venir : puisque le nouveau collège sera « mixte », plus besoin des moyens supplémentaires faramineux de l’éducation prioritaire ! Et la boucle est bouclée : donner plus de moyens (modestement, nous l’avons vu), ça ne « marche » pas. Et laisser tous les enfants en difficulté dans un même établissement, c’est explosif. Alors économisons les moyens supplémentaires et diluons les enfants dans une nouvelle potion, plus trouble, moins chère.

Lors des réunions de « consultation » les intervenant-es ont démontré avec des statistiques et des schémas ce qu’un déterminisme mal digéré leur soufflait : les enfants de pauvres réussissent moins bien à l’école. Et les experts de nous faire croire que par une sorte de contamination, les élèves en difficulté réussiront mieux, du simple fait qu’ils sont assis côté à côte avec des enfants dotés d’un capital culturel et économique décidément bien volatil. Nous, pédagogues, savons pourtant bien qu’il n’y a rien de systématique là-dedans et que l’essentiel ne se joue pas là.

On pourrait sourire du reste de ce qu’envisagent très sérieusement les autorités : les places libérées dans les collèges éducation prioritaire seront comblées par des élèves du centre attirés par des locaux neufs, des projets novateurs et attractifs…à charge pour les équipes pédagogiques de faire preuve de volontarisme et de sens de l’innovation. On pourrait sourire s’il n’y avait pas là-dedans un profond mépris, une volonté de culpabiliser les personnels et une logique insidieuse de marketing scolaire dont on connaît par ailleurs le caractère profondément illusoire.

Mixité sociale : de quoi parle-t-on ?

Les envolées lyriques vantant la mixité sociale, quand la ségrégation première n’est pas attaquée à la racine nous mettent en colère. Le problème reste toujours le même : on déplace, on pense cacher la précarité plutôt que de l’affronter collectivement. On dilue les difficultés sans les résoudre pour ne plus les voir. Au risque de les aggraver. On néglige ce faisant les effets de violence sociale générés. On évacue aussi très vite les impacts concrets sur les individus…

Et d’ailleurs. Pourquoi ne pas demander aux élèves de centre ville de Fermat, qui souffre de non mixité sociale, d’aller au Mirail ? Pourquoi ne pas fermer Fermat ?Pourquoi serait-ce aux enfants de milieux défavorisés de s’adapter ? Pourquoi serait-ce aux enfants des classes populaires de prendre les transports en commun matin et soir ? Pourquoi fermer un collège, qui malgré ses difficultés contribue au lien social d’un quartier ?

Le pas qui consiste à stigmatiser les quartiers populaire est alors franchi. Ainsi, M. Méric (président du conseil départemental 31) a parlé du « rôle de la civilisation de la République » (sic) afin de combattre la «radicalisation ». S’agit-il pour M.Méric, de considérer que les enfants issus des quartiers défavorisés n’ont potentiellement pas la « bonne » civilisation ?

Au fond, qui a peur de la mixité sociale, sinon celles et ceux qui cautionnent, financent, légitiment, l’enseignement privé, première destination des familles fuyant précisément toute forme de mixité ? Qui a peur de la mixité sociale, sinon celles et ceux qui acceptent les dérogations, fuites ou contournements ? Et que veut-on faire oublier si ce n’est pas les profondes inégalités sociales générées par le système capitaliste ?

Mixité sociale ou égalité sociale ?

Aussi, attaquer le problème à la racine, ce serait d’abord refuser qu’un enseignement privé parallèle, financé à 80% par des subventions publiques, mais ne respectant aucune règle d’affectation sectorielle de ses élèves, continue de profiter de nos manques de moyens. Arrêtons de financer le privé !

Attaquer le problème à la racine, ce serait donner les moyens humains, pédagogiques, éducatifs nécessaires à l’éducation prioritaire pour qu’elle soit réellement prioritaire.

Attaquer le problème à la racine c’est maintenir dans les quartiers populaires un service public d’éducation de qualité, gage de socialisation et de vie commune. Toute une vie sociale et associative s’est construite autour de l’éducation des élèves et donc des habitant-es. Le collège en est un élément structurant.

Attaquer le problème à la racine serait de mener une politique d’envergure de transformation sociale afin de penser et de mettre en oeuvre, non pas une mixité sociale qui s’arrêterait aux portes de l’école, mais l’égalité sociale.

Le tract Fermons Fermat !

Prochaines réunions publiques du conseil départemental sur le sujet :

  •  Jeudi 20/10, 18:30, Salle Barcelone, 22 allée de Barcelone à Toulouse
  • Mardi 22/11, 18:30, Salle Osète, 6 rue du Lieutenant-Colonel Pelissier à Toulouse
  • Jeudi 24/11, 18:30, Maison de la citoyenneté de la Roseraire, 8 bis av. du Parc à Toulouse
  • Mardi 29/11, 18:30, Salle Barcelone, 22 allée de Barcelone à Toulouse