Communiqué du rectorat de Toulouse Collège Bellefontaine : La rectrice souhaite rétablir le fonctionnement normal du service public Contrairement à ce que rapporte la presse de ce jour, les mesures engagées par le rectorat de Toulouse à l'égard de quelques professeurs du collège Bellefontaine ne sont en aucun cas une réponse au mouvement de grève qui s'était produit fin 2014 dans cet établissement. Ce serait en effet une atteinte à un droit fondamental de la fonction publique, ce dont il ne peut être question. Hélène Bernard, rectrice de l'académie de Toulouse, a été amenée à envisager des mesures conservatoires, mutations dans l'intérêt du service, mais aussi des procédures disciplinaires à la seule fin d'assurer, dans l'intérêt des élèves, le fonctionnement normal du service public dans cet établissement en souffrance depuis de nombreux mois. En effet, malgré l'écoute assurée par les services du rectorat et de l'inspection académique de la Haute-Garonne, malgré les nombreuses rencontres avec les personnels, l'équipe de direction, les parents, malgré la médiation mise en place par la rectrice après la grève, à partir de janvier, pour rétablir le dialogue et la sérénité dans ce collège de l'éducation prioritaire, il n'a pas été possible de restaurer un climat de travail permettant d'assurer correctement le service public d'enseignement dû aux élèves. Les manquements de quelques professeurs aux missions relevant de leurs obligations de fonctionnaires de l'Etat, et la difficulté, compte-tenu du climat actuel, de préparer la prochaine rentrée scolaire justifient les procédures engagées par la rectrice d'académie.
Les propos ci-dessus, sont repris du communiqué diffusé par le rectorat jeudi 28 dernier, faisant suite au rassemblement et à la parution d’un certain nombre d’articles dans la presse.
Sud Education 31, et avec lui, bon nombre de collègues et camarades d’autres syndicats, peuvent affirmer qu’il y a là, une immense malhonnêteté.
Sur la forme d’abord. Par ce communiqué, la rectrice reconnaît que les deux procédures visant nos collègues de Bellefontaine sont étroitement liées. La mutation « dans l’intérêt du service » ne peut, réglementairement, constituer une sanction déguisée. Or, c’est bien ce dont il s’agit puisque la dernière phrase justifie les procédures engagées au nom des « manquements ».
Sur le fond ensuite. Le rectorat prétend avoir fait tout son possible pour apaiser la situation et régler le conflit dans le collège. Sud Education 31 qui a suivi de près les événements depuis la fin du mois de novembre peut très clairement affirmer que cela n’est absolument pas le cas bien au contraire.
C’est pourquoi il nous apparaît important de retracer une chronologie des faits et événements survenus depuis le mois de novembre.
– La grève au collège Bellefontaine a duré pendant 3 semaines, du 27 novembre au 17 décembre. Elle portait sur des demandes très claires revendiquant l’application du décret réformant les établissements REP+. Une majorité de collègues a été en grève reconductible ponctuée de temps forts au cours desquels ils furent rejoints par d’autres établissements. La rectrice n’a consenti à recevoir les collègues que la veille du départ en vacances, et seulement après avoir reçu des parents d’élèves mécontents de ce mouvement.
– La reprise du travail s’est faite à partir du mois de janvier marqué par plusieurs jours de grève ponctuels (dont le 8 janvier et le 3 février).A partir de là, l’administration du collège a entamé un travail de répression systématique des personnels grévistes : interpellations dans les couloirs, entretiens répétés dans les bureaux, rétention d’informations, blocage des projets pédagogiques et pour finir baisse ou blocage de certaines notes administratives assorties d’appréciations négatives. Si un climat malsain s’est instauré, si un « fonctionnement normal » n’a pas pu véritablement reprendre, si la « qualité du service » en a pâti, c’est d’abord parce que l’administration du collège s’est lancée dans cette politique répressive virulente et vexatoire.
-Les organisations syndicales ont été reçues en audience par l’inspection académique le 25 février. Il s’agissait d’alerter sur le climat délétère au sein du collège et de l’aggravation de la situation, ainsi que sur la rupture de confiance entre une majorité du personnel et le chef d’établissement. A minima nous avions demandé qu’une personne extérieure puisse intervenir afin de préparer la rentrée suivante et de renouer le dialogue entre les enseignants.
– Début mars, les notes administratives de certains des collègues impliqués étaient sanctionnées. A la fin du mois, une collègue de l’établissement était mise en mesure conservatoire sur la base d’une accusation de menaces de morts, en réalité des propos au second degré tenus sur une liste de diffusion fermée – dont le bien-fondé pénal n’est pas avéré.
– Enfin le 22 mai 5 autres collègues recevaient les deux courriers mentionnant les deux procédures à leur encontre.
Le rectorat déforme la réalité pour masquer ses responsabilités.
Ainsi il est faux d’affirmer que la médiation est intervenue « après la grève, au mois de janvier« . La première intervention des médiateurs, venant exposer leur méthodologie, a eu lieu le 5 février, soit deux jours avant le départ pour les vacances d’hiver. A ce moment là, la situation était déjà très tendue au collège, après le mois écoulé dans une ambiance des plus pesantes. La méthode proposée alors ne correspondait clairement pas à l’urgence du moment.
Les organisations syndicales ont très tôt alerté le rectorat sur l’ambiance délétère régnant dans le collège. Mais celui-ci n’a montré aucun empressement à régler au plus vite la situation. Il l’a laissée sciemment pourrir. Cette stratégie a eu comme conséquence de soutenir – au moins implicitement – un chef d’établissement revanchard dans ses démarches anti-professionnelles.
Après la rencontre du 25 février, force a été de constater que l’IA n’a pas entendu nos remarques puisque rien de significatif n’est intervenu. Au contraire c’est à partir de là que la répression s’est accentuée. Les événements actuels nous prouvent que le chef d’établissement a été maintenu jusqu’à la fin de l’année dans le seul but de monter des dossiers sur les collègues. Et ce, malgré son incapacité manifeste à exercer correctement son métier dans un tel contexte.
Car ce que nous avons retenu, et qui a été répété au cours de rencontres successives, c’est que l’administration a considéré dès le départ nos collègues en grève comme co-responsables de la situation et qu’à ce titre certains d’entre-eux devaient être sanctionnés.
L’administration a certes imposé en mars une mutation au chef d’établissement, prenant acte de la rupture totale avec l’équipe enseignante et de vie scolaire et reconnaissant par là sa responsabilité. Son souhait « d’équilibrer les sanctions » a été explicitement énoncé. Cette façon d’envisager le règlement du problème est inacceptable car elle est illégitime
En effet, il faut rappeler que les collègues sanctionnés ont tous été impliqués dans le mouvement de décembre, mais qu’ils ne se sont jamais rendus coupables de faits sortant du cadre du droit de grève et d’action syndicale. Les éléments portés dans les dossiers administratifs sont déformés, amplifiés, sortis de leurs contextes d’énonciation et très souvent, tout simplement faux. Rien de ce qu’ils contiennent ne relève d’une sanction administrative. Ce sont des dossiers à charge, identiques d’un collègue à l’autre, portant la vindicte du principal : l’IA et le rectorat n’ont jamais voulu prendre du recul par rapport à cet état de fait. Ajoutons que les collègues en question n’ont jamais été reçus ni à l’IA, ni au rectorat depuis décembre. La seule écoute véritable de nos collègues est venue avec le déplacement du CHSCT à la fin du mois d’avril.
La rectrice prétend vouloir rétablir un « fonctionnement normal » et préparer la rentrée prochaine. Elle n’en a clairement pas donné le signe réel en agissant bien tardivement dans un accès d’autoritarisme délirant. En effet, le devenir du collège semble compromis :
-devant l’impossibilité pour les collègues de préparer sereinement la rentrée avec le principal, aucune personne venue de l’extérieur n’a été missionnée pour pallier cette situation– chose que préconise pourtant le rapport de l’inspecteur de vie scolaire porté dans le dossier des collègues
– rappelons que nos collègues sont investis depuis longtemps dans le fonctionnement de l’établissement, reconnus par leur hiérarchie pédagogique, par les élèves, par les parents…et on voudrait nous faire croire que leur départ permettra un meilleur fonctionnement ? La mutation « dans l’intérêt du service » affaiblira le collège en lui enlevant des enseignants compétents, coupables de rien d’autre que d’avoir souhaité l’application du décret sur l’éducation prioritaire.
L’administration est responsable en dernier ressort
En vérité, c’est parce que l’administration n’a jamais tenu pour légitime la lutte de nos collègues qu’elle a refusé de discuter avec eux. Malgré les promesses, les hauts responsables de l’administration, ne sont, à l’heure actuelle, toujours pas venus au collège Bellefontaine.
Aussi, dans cette ambiance où l’autoritarisme est la seule réponse concrète, elle refuse de reconnaître qu’elle a pu commettre une erreur en maintenant un chef d’établissement à son poste alors que la situation et les tensions ne faisaient qu’empirer.
C’est son inaction maquillée en « temps de réflexion » et son incapacité à se remettre en question qui ont conduit au blocage pédagogique, à la perturbation du service public et à l’impossibilité pour le collège à préparer la rentrée prochaine, et non l’attitude ou les actes de nos collègues qui ne demandaient qu’à reprendre le travail dans des conditions supportables. L’administration est comptable de l’intégrité de ses agents et garante du service public d’éducation en dernier ressort. Face à des dysfonctionnements manifestes et parfaitement avertie de ceux-ci, elle a choisi d’attendre et de voir. Il s’agit à tout le moins, d’une négligence coupable. Au pire, d’une volonté délibérée de faire un exemple. Pour nous, le rectorat est largement responsable de cette désolante affaire. Sa présentation transformée des faits ne doit pas lui servir d’excuse.
Dès lors, serait-ce à nos collègues, syndiqués et non-syndiqués, de payer pour les manquements du rectorat ? D’être « punis pour l’exemple » afin que la « troupe » remette en marche le collège et le fameux « service public d’éducation » ?
L’administration se rend-elle compte qu’en cautionnant par ces procédures les mesures de rétorsion et de revanche prises par le chef d’établissement à l’égard des collègues impliqués dans le mouvement, elle s’assoit sur les droits constitutionnels de la grève et de l’action syndicale pour parvenir à ses fins, contrairement à ce qu’elle avance dans son communiqué.
Qui plus est, en prenant de telles mesures à la fin d’une année scolaire aussi pénible, le rectorat ébranle profondément les personnes et détériore le climat qu’elle prétend assainir.
Sud Education 31 ne laissera pas faire ce qui apparaît comme inique, injuste et parfaitement contraire à nos droits. Nous poursuivrons le travail d’information et de mobilisation.
Nul doute qu’un contexte global joue dans cette affaire mais face à la malhonnêteté d’une telle tentative de justification, il était important de rétablir les faits. Ce texte cherche à y contribuer.