Déclaration d’Alain Badiou à propos du collège Raymond Badiou de la cité La Reynerie
« Je voudrais dire, en mon nom, et aussi en mémoire de mon père, Raymond Badiou, le scandale que représente à mes yeux le projet de liquidation totale du Collège situé dans la cité La Reynerie, et qui porte précisément le nom de mon père.
Les arguments mis en avant par les liquidateurs ne sont, hélas, que des déguisements déjà utilisés ailleurs : lutte contre le « communautarisme », entendez : mépris à teinture raciste des familles et des enfants venus travailler en France depuis souvent des décennies. Mépris bien classique des populations ouvrières et souvent démunies. Défense de « la République », entendez : vision, elle, réellement communautaire de la France et des français, lesquels doivent tous ressembler au modèle abstrait du petit bourgeois, salarié tranquille, « patriote » sectaire, imprégné sans même le savoir de supériorité coloniale sur quiconque vient d’Afrique ou descend de familles africaines. Défense de la « laïcité » : entendez persécution, y compris vestimentaire, de quiconque porte les signes d’une appartenance à des référents culturels qui ne sont pas ceux que l’Etat et un courant d’opinion réactionnaire jugent « corrects ».
Contre ces déclamations antipopulaires, les habitants de la cité La Reynerie mènent depuis de longues semaines une lutte exemplaire, contrôlée de bout en bout par les gens eux-mêmes. Ils entendent garder sur la cité ce qui est le cœur de toute politique progressiste et juste dans ce type de lieu : un établissement scolaire ouvert gratuitement à tous les enfants, à tous les jeunes, et qui assure jour après jour leur éducation.
Je soutiens entièrement cette lutte. Je déclare – et je crois pouvoir le faire au nom des valeurs dont Raymond Badiou s’est toujours fait le défenseur – mon opposition absolue au démantèlement du collège de la cité La Reynerie, démantèlement que je considère comme une offense à toute politique juste et égalitaire en direction de gens, d’ouvriers, de travailleurs, de chômeurs, de familles, de jeunes, d’enfants, souvent déjà placés, par la politique dominante dans notre pays, dans des situations très difficiles.
Alain Badiou. »