Les enseignant-e-s de CP en REP+ ont bénéficié (les chanceux-ses!) d’une formation de deux jours concernant le dispositif des « CP dédoublés ». La première matinée était consacrée aux évaluations nationales de CP. Les différentes interventions avaient pour objectif de démontrer que ces dernières sont pédagogiquement nécessaires, mais incomplètes.
En effet, depuis leur sortie, elles ne cessent d’être décriées au motif qu’elles n’évaluent que le déchiffrage, laissant un grand vide sur l’évaluation de la compréhension. Mais rassurons-nous, la circonscription en charge de la formation a décidé de combler ce vide (et la nature a horreur du vide), nous sommes sauvé-es ! Ainsi, grâce aux recherches de grands professeurs d’université, elle propose des évaluations complémentaires davantage axées sur la compréhension. Elles ne s’imposent pas aux enseignant-e-s mais sont proposées comme « cobayes » pour celles et ceux qui souhaitent faire partie de cette « recherche avancée ».
Lorsque les formateurs (parce que l’unique formatrice n’a « pas eu de temps » de parole) précisent que leur trouvaille ne s’impose pas aux enseignant-e-s, ils sous-entendent que les évaluations nationales sont obligatoires, or il n’en est rien. Aucun texte réglementaire n’est paru au BO ces dernières semaines à ce sujet. Nous ne serons donc pas inquiété-e-s si nous décidons de les boycotter.
Mais ce n’est pas tout ! Les enseignant-e-s présent-e-s ont également pu découvrir que cette cohorte de CP serait sans doute suivie jusqu’au CM2 et évaluée chaque année pour « suivre leur progression ». Tout cela bien évidemment, sans aucune pression sur les élèves, parents ou enseignant-e-s, mais dans un objectif purement pédagogique. En effet, grâce à ce nouveau fonctionnement, le personnel pédagogique sera en mesure de davantage connaître les élèves et ainsi de répondre au mieux à leurs besoins.
Pourquoi ces évaluations ne peuvent être acceptées ?
- elles habituent les élèves aux pratiques d’évaluations sommatives, dans l’objectif d’un résultat fini (vite oubliées les évaluations positives…) ;
- elles accentuent la pression sur les élèves en difficulté scolaire, disqualifient les classes populaires et réduisent la confiance en soi des élèves ;
- elles mettent également la pression sur les parents à qui les enseignant-e-s doivent expliquer que leur enfant n’a pas réussi les évaluations de début de CP pour satisfaire l’État, celui-là même qui les délaisse depuis trop longtemps… ;
- elles sont à la charge financière des écoles puisqu’aucune compensation budgétaire n’est prévue ;
- elles sous entendent que nos élèves sont des cobayes ;
- elles augmentent le temps de travail des enseignant-e-s (préparation et appropriation, correction, rendez-vous parents pour expliquer les résultats…) ;
- elles poussent à centrer le travail en classe sur une pratique de bachotage et de recherche de résultats quantitatifs à tout prix ;
- elles ne prennent pas en compte les évaluations diagnostiques déjà réalisées par de nombreux enseignant-e-s sur leur classe de CP (une fois de plus, l’État ignore volontairement le travail réel des enseignant-e-s) ;
- Ces tests seront exclusivement ciblés sur la mesure des acquis scolaires des élèves par rapport aux programmes. Autrement dit, ils ne viseront qu’à mesurer la performance du système éducatif, des élèves, des enseignant-e-s et des équipes pédagogiques.
Pour SUD éducation, ces évaluations nationales sont incompatibles avec les valeurs et les pratiques d’une école égalitaire, émancipatrice et autogestionnaire que nous promouvons.
LE MINISTERE CEDE !!!
Face à la grogne des collègues et de certaines organisations syndicales, le ministère reconnaît enfin que les évaluations CP ne sont pas passables en l’état et que les collègues sont libres de les faire passer comme ils le veulent voire de ne rien faire passer du tout!! Ainsi, Jean-Marc Huart, directeur de l’enseignement scolaire (Dgesco), lève lui-même les consignes d’application de l’évaluation de CP via un courrier adressé aux collègues : « Il est important que cette évaluation se déroule dans un climat de bienveillance… sans aucun esprit de compétition ».
Mais rien n’est gagné…
Le ministère remet à plus tard. Jean-Marc Huart annonce déjà « la construction d’un nouveau protocole » pour la prochaine rentrée « sous l’égide d’un conseil scientifique placé auprès du ministre ». C’est reculer pour mieux sauter car il ne faut pas oublier que les évaluations nationales sont un formidable outil de flicage et de tri de nos élèves et que Blanquer nous a déjà fait le coup sous Sarkozy quand il était lui-même directeur de la Dgesco.